2023 : la limite des OCABSA ?

Julia Bridger, associée chez EuroLand Corporate
28 juillet 2022

En complément de la Question Corporate du 25/10/2022 sur les OCABSA (cf. L’OCABSA : un instrument sensible ?

Pour rappel, de quoi s’agit-il ?), et au regard de l’actualité de ce produit en 2023, il nous apparait important de revenir sur ses limites.

Les obligations convertibles en actions avec bons de souscription d'actions (OCABSA) constituent :

• un mode de financement alternatif,

• dédié aux sociétés cotées n’ayant plus ou peu accès à l’emprunt mais disposant d’une très forte liquidité sur le marché,

• permettant à l'entreprise de lever des fonds immédiatement et à terme.

C’est un produit structuré composé de deux titres financiers, émis conjointement au profit d’un investisseur, mais étant négociés séparément :

1. les obligations convertibles en actions (OCA) qui donnent droit, pendant une période définie, à la main de l’émetteur, à des actions nouvelles. La conversion s'opère par tranche à une valeur inférieure au cours de bourse permettant à l'investisseur de revendre l'action immédiatement avec une plus-value. Plus l’action est liquide, plus l’investisseur aura intérêt à convertir ;

2. les bons de souscription d'actions (BSA), attachés aux OCA, qui donnent à l’investisseur le droit de souscrire, jusqu'à leur date d'échéance, à une ou plusieurs actions à un prix fixé à la date d’émission des BSA, avec, le plus souvent, une prime par rapport au cours à la date d’émission.

Nouvel avertissement de l’AMF en février 2023

Face à la recrudescence des réclamations de la part des actionnaires individuels ayant constaté une perte significative de leur investissement dans des sociétés ayant recours à ce type de financement, l’AMF a appelé les sociétés cotées émettant des OCABSA à adapter leur communication (cf.communiqué AMF du 14/02/2023 ).

Elle recommande ainsi la publication d’un communiqué de presse type pour l’annonce de ce type d’opération intégrant notamment un en-tête avec :

• un avertissement sur les spécificités des titres émis,

• les risques de forte pression sur le cours de l’action et de perte de leur capital investi, ainsi que

• le risque de forte dilution en raison du grand nombre de titres émis.

En l’absence de l’insertion d’un tel avertissement, l’AMF se réserve le droit de publier un communiqué de presse nominatif sur ces risques et les impacts d’un tel produit.

Cette nouvelle demande de l’AMF fait suite à la réalisation par ses services d’une étude sur un échantillon de 69 sociétés cotées ayant eu recours à ce type de financement et qui a constaté que 57 sociétés de cet échantillon avaient vu leur cours de bourse chuter en moyenne de 72% depuis la mise en place d’une 1ère opération d’OCABSA ou d’equity line.

2023, les limites des OCABSA avec l’annonce des 1ères liquidations judiciaires

Il aura fallu plusieurs avertissements de l’AMF, des pertes significatives pour les particuliers et une baisse importante de la liquidité sur les marchés financiers pour voir apparaitre les limites des financements via OCABSA. Dès lors que les investisseurs ont compris les dangers de ces financements sur la dilution et sur la baisse des cours, la liquidité des valeurs financées s’est fortement réduite, rendant plus difficile la revente des actions issues de la conversion.

En 2023, les premières liquidations judiciaires de sociétés cotées sous « OCABSA » ont été constatées à l’instar des sociétés DEINOVE (en janvier 2023), NFTY (anciennement Adthink Media en décembre 2022), Navya (en février 2023) et Lysogène (janvier 2023). Ces sociétés n’ont pas réussi à redresser leur activité ou pivoter de business model malgré la levée de plusieurs dizaines de millions d’euros via l’instrument des OCABSA. Au-delà de ces 1ères liquidations judiciaires, nombreuses sont les sociétés mises en redressement judiciaire en 2023 : Safe Orthopaedics, Genomic Vision etc.

Des gagnants ?

Certaines sociétés ont tout de même réussi à surmonter les difficultés que peuvent occasionner les aux OCABSA. Le groupe CATANA, après avoir traversé une crise de croissance, a utilisé ces financements en 2017 pour un montant limité à 2,2 M€, et a réussi à retrouver le chemin de la croissance de manière significative. Après avoir connu le statut de penny stock, l’entreprise s’est fortement redressée et le cours cote actuellement près de 6 €. De la même manière, la nouvelle équipe de direction de Visiomed Group a stratégiquement mis fin à leur financement OCABSA lors de la restructuration grâce au financement du fonds de private equity Perpetua, ce qui a largement contribué à la revalorisation de leur cours.

Souvent décriés par les investisseurs et les régulateurs, les financements sous forme d’OCABSA ont financé de manière significative les émetteurs cotés en difficultés ces dernières années. Alors que rien ne semblait pouvoir stopper ces financements, le track record boursier de ces valeurs et le manque de liquidité sur les marchés ont montré les limites de ces opérations.

Pour lire la suite, abonnez vous à notre newsletter
C'est GRATUIT !


menuchevron-downcross-circle