Opération de restructuration opérée en bourse, un mal pour bien ?

Nisa Benaddi, associée chez EuroLand Corporate
16 novembre 2023

Le contexte actuel laisse peu de leviers aux sociétés cotées avec un niveau de dette important. Ralentissement de la croissance, de la rentabilité et hausse des taux déstructurent les bilans, et peuvent créer des situations dans lesquelles les sociétés se trouvent confrontées à un mur de dette et dans l’impossibilité de faire face à leurs échéances de remboursement.

Dans de telles circonstances, certaines sociétés n’ont pas d’autre option que de mettre en place des actions drastiques permettant de corriger leur situation.

Ainsi, que ce soit dans le cadre d’une procédure collective ou non, la société peut entamer des négociations avec ses créanciers, y compris des fournisseurs, ou des actionnaires, dans le cas où il y aurait des comptes courants, pour compenser la dette dans le cadre d’opérations d’augmentation de capital réservée ou non. Ces négociations sont extrêmement difficiles car souvent les contreparties n’ont pas forcément vocation à devenir actionnaires de la société, ni à renoncer aux intérêts perçus sur leur prêt à l’entreprise voire à son remboursement, pour une action dont le cours est souvent très bas et très volatile. En revanche, cette solution apporte incontestablement une réponse à une situation inextricable, où les créanciers peuvent porter le risque d’une défaillance totale de l’entreprise.

Les actionnaires sont malheureusement massivement impactés par de telles opérations de restructuration. Il est donc important que les actionnaires, dans la mesure où ils sont toujours au capital et ont donc déjà subi une importante dévaluation de l’action, puissent bénéficier de la possibilité d’accompagner les opérations de manière à limiter à minima leur dilution. C’est le cas lorsque les augmentations de capital sont réalisées avec maintien du droit préférentiel de souscription.

Les bienfaits pour la société sont incontestables, grâce à l’effacement de tout ou partie de la dette et au renforcement des fonds propres. La société pourra ainsi repartir vers un nouveau cycle dédié aux enjeux de business. Les restructurations laissent néanmoins des traces sur l’image de la société vis-à-vis des créanciers, comme des actionnaires. Mais la bourse sait détester ce qu’elle a aimé et aimer ce qu’elle a détesté ;les investisseurs sauront revenir au capital si la société démontre sa capacité à renouer avec la performance économique tout en gardant une situation bilancielle saine.

A noter que la réalisation de telles opérations pourrait amener certains actionnaires / créanciers, participant massivement à la recapitalisation de la société, à franchir un seuil de détention du capital ou des droits de vote rendant obligatoire le dépôt d’une offre publique. Une telle hypothèse nécessiterait alors de demander une dérogation à l’obligation sur le fondement des difficultés financières avérées auprès de l’Autorité des Marchés Financiers.

A titre d’exemples récents, on peut citer MND qui a procédé à une restructuration importante avec la conversion de plus de 136 M€ de dette détenue par le fonds Cheyne Capital. Compte-tenu de la capitalisation de MND au moment de cette conversion, Cheyne s’est retrouvé détenir plus de 97% du capital.

De manière moins massive, on peut également citer LLAMA GROUP, société de droit belge cotée à Paris qui, dans le cadre de sa réorganisation judiciaire (procédure belge), a obtenu un moratoire avec les créanciers. Eiffel Investment qui détenait des obligations convertibles avec un prix de conversion supérieur à 5€, alors que le cours de bourse valait moins de 1 €, a néanmoins préféré convertir sa dette en capital.

Cette Question Corporate ne pouvait pas éluder le cas d’ Orpéa, actualité de la semaine, qui a annoncé trois augmentations de capital pour un montant de 3,9 Milliard d’euros, à l’issue desquelles les créanciers qui participent devraient détenir plus de 50% du capital, et engendrer une dilution massive des actionnaires.

La cotation en bourse permet ainsi à des entreprises dans des situations extrêmes d’utiliser le levier du marché pour restructurer leur bilan, certes fréquemment au détriment de leurs actionnaires, mais au profit du sauvetage d’entreprises qui souvent repartent vers un nouveau cycle porteur.

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