Union des marchés de capitaux: l'impératif européen ?

Thomas Hornus, associé chez Euroland Corporate
17 septembre 2024

  

Dans une lettre ouverte en date du 3 septembre 2024, adressée aux ministres des finances de l'Union européenne et à la Commission européenne (voir le document ici : Europe needs to keep its best Tech IPOs at Home), Euronext, Deustsche Börse, France Digitale, Federation of European Securities Exchanges et quelques autres mettent en avant la nécessité de retenir les introductions en bourse des meilleures entreprises technologiques européennes sur des marchés européens plutôt que de les laisser partir aux États-Unis.

Les signataires soulignent que, bien que l'économie américaine offre des avantages tels qu'une meilleure valorisation et des capitaux disponibles d’un montant bien supérieur, le choix pour les belles entreprises technologiques européennes de se coter sur les marchés américains représente une perte économique considérable pour l'Europe, évaluée à 439 milliards de dollars depuis 2015 dans un rapport publié par McKinsey en juin 2024. 

Nous ne pouvons que partager le constat selon lequel les places financières européennes, et notamment la place de Paris, ne présentent, aujourd’hui, pas toujours l’attrait nécessaire et suffisant pour retenir les meilleurs candidats à l’introduction en bourse. Ces derniers, lorsqu’ils sont les « best in class » de leur secteur, privilégient souvent les marchés américains réputés plus liquides et valorisant mieux.

Ce n’est pas la première initiative du genre que la France et/ou l’Europe a connu mais c’est la première fois que l’accent est mis de façon si explicite sur ce qu’on pourrait appeler un « protectionnisme boursier européen » avec comme objectif assumé de mettre en place les conditions permettant à nos fleurons technologiques européens de se financer sur les marchés de capitaux de l’Union afin de faire bénéficier leurs succès à venir aux investisseurs institutionnels et particuliers domestiques et non plus principalement aux intérêts américains.

Cette tribune appelle à la mise en place d’actions concrètes pour que l'Union des marchés de capitaux aboutisse enfin et propose quatre volets principaux afin de créer un environnement européen de cotation compétitif et intégré pour soutenir les entreprises technologiques les plus prometteuses du continent :

  • Renforcer les investissements en amont du marché boursier en soutenant le capital-risque de croissance pour que les entreprises européennes puissent se développer sans dépendre de fonds non européens.
  • Créer des incitations pour les investissements des investisseurs particuliers et institutionnels dans les entreprises européennes, notamment en réformant le cadre fiscal et réglementaire pour attirer plus de capitaux locaux.
  • Éliminer les coûts de transaction transfrontaliers pour l'investissement en actions en harmonisant les régimes fiscaux au sein de l'UE et en simplifiant les procédures de remboursement des taxes.
  • Améliorer l'éducation financière des citoyens de l'UE pour encourager plus d'investissements dans les marchés de capitaux européens, en promouvant une culture de l'investissement à long terme.

Les lignes directrices des propositions évoquées, si elles relèvent du bon sens et peuvent paraitre évidentes à tous, présentent néanmoins, selon nous, des lacunes ou dangers que nous pouvons résumer en 3 points de présenter :

  • Difficulté de mise en œuvre : réformer le cadre fiscal et réglementaire et créer des incitations uniforme dans toute l'UE risque d’être pour le moins complexe notamment en raison des différences toujours existantes entre les différents systèmes fiscaux nationaux. Une harmonisation de ses systèmes, ou au moins d’une partie d’entre eux serait un préalable bienvenu ;
  • Dépendance à l’adhésion des particuliers : L'amélioration de l'éducation financière est un objectif louable et réalisable, mais elle nécessitera des campagnes de sensibilisation et des initiatives éducatives coordonnées sur le long terme et dépendra, in fine, de l’acceptation réelle des particuliers au couple risque/rendement inhérent aux marchés boursiers ;
  • Un ciblage trop exclusif : malheureusement les propositions évoquées dans cette lettre ouverte semblent, à ce stade, principalement axées sur les grosses ETI technologiques. Une fois encore, les petites entreprises, et ce bien qu’elle représentent à elle seule la plus grande partie du tissu entrepreneurial de l’Union Européenne, pourraient ne pas bénéficier directement des mesures préconisées.

Chez Euroland Corporate, nous sommes favorables à ce que ces propositions, qui permettent de développer l’attrait des entreprises pour les marchés des capitaux domestiques, encouragent ces dernières à franchir le pas vers une cotation en bourse en Europe au détriment des Etats-Unis et favorisent la diversification de leurs sources de financement, soient rapidement retenues dans les prochaines réglementations, mais il nous semble également important qu’elles ne ciblent pas que les grosses entreprises technologiques qui bénéficient déjà de nombreux avantages. Nous pensons en effet, avec de nombreux opérateurs de place, qu’une vraie politique incitative peut être profitable à l’ensemble de notre écosystème européen, mais qu’elle doit inclure toutes les entreprises quelles que soit leur taille, leur secteur d’activité ou le marché sur lequel elle envisage de se coter.

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