Dans une intéressante étude sur les décrochages boursiers datant du 14 novembre 2024, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) met en lumière des variations exceptionnelles enregistrées sur certaines valeurs du CAC40 en 2023, comme celles d’Alstom (-37,6 % sur la seule journée du 5 octobre 2023) et Worldline (-59,2 % le 25 octobre 2023). Ces événements, bien que finalement assez rares, révèlent des phénomènes récurrents et préoccupants pour les entreprises cotées.
L’analyse de l’AMF met ainsi en évidence plusieurs caractéristiques clés de ces décrochages boursiers qui méritent l’attention des émetteurs.
Un lien évident entre publication et décrochage
Dans un premier temps, l’AMF identifie les publications de résultats comme la principale cause des décrochages boursiers, représentant 59 % des événements extrêmes observés entre 2013 et 2023. En 2023, la quasi-totalité des 10 plus mauvaises variations boursières a été directement liée à des annonces financières.
Pour les sociétés cotées, cela signifie que chaque annonce doit être méticuleusement préparée, avec une attention particulière portée à la gestion des attentes des investisseurs.
Par ailleurs, les variations à la baisse sont souvent accompagnées par une absence de réversion des prix dans les jours qui suivent, contrairement à des phases de correction antérieures où les cours rebondissaient progressivement après un choc initial. Ainsi, la moyenne des dix pires variations annuelles du CAC40 depuis 2018 indique que les prix ne se redressent pas au-delà de J+10 après l’événement, traduisant une correction durable des valorisations par le marché. Cette observation souligne l’importance pour les sociétés cotées d’anticiper l’impact à long terme de la divulgation de « mauvaises nouvelles ».
Une coordination entre les départements financiers et de communication de l’émetteur devient essentielle pour s’assurer que les messages stratégiques atténuent les impacts potentiels de nouvelles moins favorables. Le rapport cite notamment Alstom qui a connu deux décrochages successifs en 2023, illustrant l’importance de clarifier les implications de mesures mises en œuvre par l’émetteur (comme une augmentation de capital) et de rassurer le marché sur les perspectives à moyen terme de l’entreprise.
Quelle réaction des investisseurs selon leur typologie ?
Un autre enseignement majeur du rapport de l’AMF concerne la réaction des investisseurs face aux décrochages en fonction de leur typologie.
Les sociétés de gestion jouent un rôle clé dans la persistance des baisses, adoptant des positions nettes vendeuses significatives dès le 1er jour des chocs et poursuivant cette tendance au moins sur les 15 jours suivants.
À l’inverse, les investisseurs particuliers, bien que minoritaires, sont souvent les premiers à renforcer leurs positions à l’achat lors des décrochages. Ces dynamiques complexes mettent en évidence la nécessité d’un dialogue proactif avec les différentes catégories d’investisseurs pour anticiper leurs réactions et ajuster les stratégies de communication.
Le short selling et son impact
Bien que les positions courtes nettes (« short selling ») n’ont pas été identifiées par l’AMF comme une des causes essentielles des décrochages, leur renforcement post-choc contribue à la persistance des baisses, traduisant la défiance prolongée de certains investisseurs. L’analyse de l’AMF souligne que ces positions ont tendance à augmenter jusqu’à 2 % du capital en moyenne dans les 40 jours suivant un décrochage. Dans cette optique, les entreprises doivent surveiller attentivement l’évolution de ces positions et ajuster leurs stratégies de communication pour rétablir la confiance.
Des valorisations trop élevées ?
Un facteur sous-jacent aux décrochages réside également dans les niveaux historiquement élevés de valorisation. En 2023, les ratios cours/bénéfices des entreprises françaises atteignaient des sommets, augmentant la sensibilité du marché aux « mauvaises nouvelles ». Cette réalité s’accompagne d’une polarisation croissante des indices, où un petit groupe de valeurs dominantes, comme les "Granolas" en Europe (Gsk, Roche, Asml, Nestlé, Novartis, Novo Nordisk, L’Oréal, Lvmh, Astrazeneca, Sap et Sanofi), capte une part disproportionnée des gains, laissant d’autres titres plus vulnérables et soumis aux corrections sévères.