Remettre les marchés de capitaux au centre du financement des PME en France

Thomas Hornus, associé EuroLand Corporate
18 mars 2025

Ce mardi 18 mars 2025, un collectif d’acteurs de la Place de Paris – entreprises cotées, investisseurs, gérants d’actifs et conseils – a publié un Manifeste ambitieux : Manifeste pour un meilleur financement des entreprises par les marchés de capitaux.

Ce document, dont EuroLand Corporate est signataire, dresse un constat lucide : malgré une capitalisation boursière mondiale multipliée par quatre depuis 2000, les marchés de capitaux concentrent leurs flux sur un nombre restreint d’acteurs, au détriment des PME et ETI européennes, et particulièrement françaises.

Alors que la valorisation cumulée des entreprises cotées en France représente 124 % du PIB, soit 3 500 milliards d’euros, le marché actions français est à un tournant de son histoire. Loin d’être une simple question d’image, l’avenir de la Bourse touche au cœur de notre souveraineté économique et à la capacité des entreprises françaises à se financer efficacement. 

Pourtant, l’attractivité de notre marché s’est érodée, confrontée à une réglementation lourde, un manque de compétitivité fiscale et une orientation de l’épargne favorisant encore trop peu l’investissement en actions.

Des freins persistants

Les causes du ralentissement sont multiples et bien identifiées. La complexité croissante des règles pesant sur les sociétés cotées en France en est une majeure. Contraintes par une sur-réglementation qui n’opère pas de distinction entre grands groupes et PME, les entreprises hésitent à franchir le pas de la cotation. Pendant que l’Italie et la Suède multiplient les IPO, la France fait pâle figure : 72 introductions en Bourse entre 2020 et 2024 contre 153 en Italie et 170 en Suède. Le contraste est sans appel.

Le Manifeste met également en lumière une dynamique préoccupante : l’écart de performance boursière entre le CAC 40 et les petites valeurs a dépassé 40 points sur cinq ans, tandis que les encours des fonds PEA-PME ont été divisés par deux. 

Cette concentration des investissements, amplifiée par l’américanisation des flux et la montée de la gestion passive, fragilise les entreprises cotées de taille moyenne, pourtant historiquement performantes sur le long terme. Ajoutons à cela une épargne européenne – la deuxième au monde – qui fuit massivement vers l’extérieur : 68 % des investissements en actions gérés depuis l’Europe s’orientent hors Union Européenne. En France, seuls 10 % des ménages investissent directement en actions, contre 33 % au Royaume-Uni. Le potentiel inexploité est immense.

Un impératif pour réconcilier les entreprises et la Bourse

Le Manifeste propose des solutions concrètes et immédiates pour inverser la tendance. Trois axes principaux se dégagent :

1. Alléger la contrainte réglementaire et fiscale

  • Introduire une véritable proportionnalité des règles en fonction de la taille des entreprises ;
  • Simplifier le cadre des obligations de transparence et réduire la lourdeur administrative ;
  • Revoir l’application de la réglementation CSRD pour ne pas pénaliser les PME.

2. Rediriger l’épargne vers les entreprises françaises et européennes

  • Inciter davantage les institutionnels à investir dans les actions de sociétés cotées via Solvency II et Bâle III ;
  • Créer un label européen favorisant l’investissement dans les PME cotées ;
  • Réformer le PEA en augmentant son plafond et en rendant ses produits plus attractifs.

3. Encourager les introductions en Bourse et restaurer la confiance des épargnants

  • Lancer un Bonus IPO inspiré du modèle italien, avec des exonérations fiscales sur les frais d’introduction ;
  • Développer une meilleure éducation financière pour mobiliser les investisseurs individuels ;
  • Redonner de la visibilité aux entreprises cotées en réinvestissant dans l’analyse financière.

Un électrochoc nécessaire

Il n’y a pas de fatalité. L’Italie et la Suède ont démontré que des politiques volontaristes pouvaient transformer un marché. En appliquant des mesures adaptées, elles ont su attirer les entreprises vers la cotation et restaurer la confiance des investisseurs. La France doit s’inspirer de ces modèles et renouer avec l’ambition qui a fait d’elle un centre financier européen incontournable.

La mobilisation des acteurs de la Place est là. Il revient désormais aux pouvoirs publics et aux régulateurs d’entendre cet appel et d’agir. Réduire les barrières, restaurer l’attractivité et reconstruire un cadre propice à l’investissement en actions, c’est préserver un levier stratégique pour le financement de nos entreprises et l’avenir économique du pays.

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