Retour en grâce du nucléaire: un impact majeur sur les sociétés cotées en Europe et aux États-Unis ?
Longtemps lié principalement à la question politique en Europe, le nucléaire connaît un progressif retour en grâce, porté par les impératifs de transition énergétique et de souveraineté. Dans ce contexte, les réacteurs modulaires de petite taille (Small Modular Reactors), notamment, s’imposent comme une solution clé pour l’avenir. Si l’Europe accélère ses investissements, elle reste toutefois en retard par rapport aux États-Unis, où l’écosystème des entreprises cotées est plus large et dynamique.
Les SMR : un levier d’innovation où les États-Unis dominent
Les SMR sont au cœur de cette renaissance nucléaire. Conçus comme une alternative plus flexible, plus sûre et moins coûteuse que les réacteurs nucléaires classiques, les SMR devraient représenter un marché de 150 à 300 milliards de dollars d’ici 2040, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Cette montée en puissance a un impact majeur sur les sociétés cotées, notamment aux États-Unis, qui dominent actuellement le secteur, et en Europe, où le développement des SMR est plus lent.
Parmi les leaders américains, NuScale Power est la première entreprise à avoir obtenu l’approbation d’un design de SMR par la NRC. Le titre a bondi de +750% sur un an. Plus généralement, les valeurs cotées du nucléaire (GE Vernova, Constellation Energy, Duke Energy, Centrus Energy Corp, Mirion Technologies) outre Atlantique ont connu un fort emballement au cours des derniers mois.
En Europe, l’écosystème est pour le moment un peu plus limité. EDF, bien que leader dans le développement du nucléaire en France avec son projet Nuward, n’est pas coté en bourse, ce qui restreint les opportunités d’investissement direct. Certains acteurs européens, en revanche, à l’image de Rolls-Royce, qui développe un projet de SMR au Royaume-Uni ou de Siemens Energy, qui fournit des composants pour le nucléaire, sont bien orientés.
Plusieurs entreprises d’ingénierie, de construction et d’équipement de notre univers des small et mid caps françaises sont aussi bien positionnées pour capter une partie de cette croissance, à l’image d’Assystem (ingénierie), SPIE (maintenance des installations) ou encore Schneider Electric (solutions avancées de gestion d’énergie pour le secteur).
Les géants de la tech s’intéressent au nucléaire pour alimenter leurs datacenters
Au-delà des acteurs traditionnels de l’énergie, une nouvelle tendance émerge et devrait encore davantage favoriser le développement de l’énergie atomique : les grandes entreprises technologiques s’intéressent de plus en plus à l’énergie nucléaire, et aux SMR, pour alimenter leurs datacenters. Avec l’explosion des besoins en calcul liés à l’intelligence artificielle, au cloud computing et à la gestion des données, les datacenters sont devenus des infrastructures extrêmement énergivores, qui pourraient mettre en tension le système électrique actuel.
Face à cet enjeu, plusieurs géants américains de la tech explorent les SMR comme une solution d’approvisionnement en énergie stable, décarbonée et sécurisée. Microsoft a récemment signé un partenariat avec Constellation Energy pour explorer l’intégration d’énergie nucléaire dans ses infrastructures cloud. Amazon Web Services (AWS) et Google Cloud se montrent également intéressés par des solutions énergétiques stables, et plusieurs brevets liés à l’usage de réacteurs modulaires pour les datacenters ont été déposés.
Le nucléaire, un retour dans la taxonomie verte depuis fin 2022
Longtemps resté l’apanage de la puissance publique pour des questions de sécurité, de défense ou simplement d’idéologie, le nucléaire civil pourrait désormais être financé par plus de fonds privés, notamment provenant de la bourse. L’intégration du nucléaire dans la taxonomie verte fin 2022 pourrait d’ailleurs jouer un rôle déterminant dans son retour en grâce, en ouvrant la porte aux fonds d’investissement ESG et en stimulant les investissements dans une filière longtemps sous-financée, dans un contexte où l’Europe cherche des solutions à la fois décarbonées et stables pour sécuriser son approvisionnement énergétique face aux crises géopolitiques et aux limites des énergies renouvelables intermittentes.