Dans une précédente Question Corporate février 2023, nous présentions l’activisme actionnarial à travers ses opportunités et limites pour les small caps françaises. Ce phénomène, longtemps réservé aux grandes capitalisations, s’est encore imposé comme une force à surveiller, touchant un spectre toujours plus large de sociétés.
Avec un nombre record de 255 campagnes activistes réalisé en 2024, selon un rapport de la Banque Lazard (Annual Review of Shareholder Activism 2024) repris par un article Les Echos du 8 janvier 2025, la pression exercée par ces investisseurs d’un type très spécifique suscite des interrogations sur ses conséquences pour les entreprises européennes et françaises.
L’activisme actionnarial n’a jamais été aussi présent. En 2024, près de la moitié des campagnes activistes dans le monde ont été menées par des fonds nouvellement créés, souvent dirigés par d’anciens de grandes structures activistes emblématiques, illustrant la multiplication des profils d’activistes et renforçant la complexité des interactions entre entreprises cotées et actionnaires.
Leurs cibles principales restent les sociétés américaines, représentant la majorité des campagnes recensées selon Lazard. Toutefois, l’Europe affiche une activité accrue, notamment en France, où des entreprises comme Criteo ou Vusion Group ont été visées. Dans ce contexte, les small caps françaises, bien que moins exposées, ne sont pas à l’abri. Les fonds activistes recherchent des entreprises sous-évaluées, avec une gouvernance perfectible et un fort potentiel de revalorisation boursière.
L’activisme actionnarial, par nature, suscite des réactions contrastées. Ses méthodes, parfois musclées, peuvent ébranler la gouvernance d’une entreprise ou créer une instabilité boursière. Les entreprises européennes anticipent une augmentation des campagnes activistes en 2025 voire une hausse significative de celles-ci. Cette appréhension illustre les craintes perçues par les sociétés cotées quant aux conséquences possibles d’attaques publiques ou judiciaires, qui pourraient les affaiblir sur le court terme.
Cependant, ces actions ne sont pas dénuées de vertus. En obligeant les entreprises à se conformer à des "best practices", les activistes jouent un rôle de catalyseurs. Leurs revendications ciblent fréquemment des gouvernances opaques, des performances économiques décevantes ou des stratégies dépassées. En ce sens, l’activisme peut aider à résoudre des problématiques structurelles et améliorer la création de valeur pour les actionnaires.
Comme le soulignait déjà notre analyse de 2023, l’activisme sur les small caps françaises reste limité par la nature de ces entreprises : faible liquidité, concentration du capital et gouvernance généralement liée aux fondateurs.
Pour autant, celles qui présentent un capital dispersé ou des carences stratégiques peuvent devenir des cibles potentielles. Les fonds activistes voient dans ces sociétés un terrain propice à des actions à forte valeur ajoutée, notamment par des ajustements stratégiques ou de gouvernance.
Le risque, cependant, reste la déstabilisation induite pour ces PME/TPE, souvent plus vulnérables aux fluctuations boursières et aux tensions internes. Une campagne agressive pourrait avoir des conséquences durables, tant sur leur performance financière que sur leur réputation et donc sur leur cours de bourse.
Face à cette réalité, les entreprises européennes adaptent leurs stratégies. Selon une étude réalisée par Activistmonitor et le cabinet d'avocats Skadden, Arps, Slate, Meagher & Flom, plus des 2/3 des conseils d’administration européens interrogés ont intensifié leurs reflexions sur l’activisme en 2024, et près des 4/5ème ont engagé des dialogues renforcés avec leurs actionnaires afin de prévenir les attaques en renforçant la transparence et la communication, tout en ajustant les stratégies pour répondre aux attentes des investisseurs.
Ces entreprises envisagent également des mesures proactives, telles que des cessions d’actifs ou des programmes de rachat d’actions, pour réduire les tensions et limiter les effets négatifs des campagnes activistes avant même qu’elles ne soient mise en œuvre.
Si l’activisme actionnarial peut être perçu comme une menace, il représente également une opportunité de transformation. En forçant les entreprises à revoir leurs pratiques, à renforcer leur gouvernance et à optimiser leur création de valeur, ces campagnes contribuent à une évolution positive des écosystèmes économiques.
Pour les small caps françaises cotées, le défi consistera à s’adapter à ces nouvelles attentes tout en préservant leur identité. Une préparation adéquate et une approche proactive pourrait leur permettre de transformer cette contrainte en levier de croissance.